À la découverte du pays intérieur du parc national du Mont-Mégantic
13 mars 2012
« Parce que tu m’as vu, tu as cru. Heureux ceux qui n’ont pas vu, et qui ont cru! » (Jn 20, 24-29). Les frontières de la conservation du patrimoine s'élargissent aujourd'hui aux questions de patrimoine culturel. Ceci reflète bien l'intérêt relativement récent pour un regard écologique plus large sur les interrelations nature–culture; l'étude des systèmes de relations entre mondes biotiques et abiotiques dérive souvent vers des sphères inattendues, parfois même très éloignées des regards analytiques que nous portons sur les territoires. Mais dans quelle mesure ces frontières dépassent-elles les simples aspects matériels du patrimoine culturel?
Le patrimoine culturel immatériel
Il est possible à ce sujet de s'inspirer de l'adoption récente par l'UNESCO de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. « On entend par patrimoine culturel immatériel les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire – ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés – que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel. (...) ».
Dans les parcs nationaux, cette réflexion sur les patrimoines intangibles doit évidemment se faire dans le cadre particulier des aires protégées qui, comme l'Union internationale de la nature (UICN) le précise, sont dédiées à « (...) assurer à long terme la conservation de la nature ainsi que les services écosystémiques et les valeurs culturelles qui leurs sont associés », et qui, comme on le voit bien, s'intéresse donc à cette question du patrimoine culturel.
Le pays intérieur du massif du Mont-Mégantic
Au parc national du Mont-Mégantic, la protection de la voûte étoilée et des paysages nocturnes s'inscrit déjà dans cette vision élargie du patrimoine comme espace immatériel, même si la pollution lumineuse est le résultat de gestes bien concrets (comme par exemple un mauvais choix d'équipement d'éclairage). De retour les pieds sur Terre, notre regard se porte maintenant sur un espace au relief aussi écologiquement et géographiquement significatif que hautement symbolique. En effet, l'élan volcanique avorté qui est à l'origine de la morphologie du massif du Mont-Mégantic marque le territoire d'une façon très particulière. Cette montée des profondeurs de la terre, sculptée ensuite par les glaces, les déluges, les vents et les années, forme dans le paysage une couronne de montagnes délimitant ce que nous appelons le pays intérieur.
En son centre, le monde naturel est ceinturé d'une barrière de sommets et de cimes semblant l'isoler des nombreuses préoccupations extérieures; le visiteur y est invité à une expérience vécue du silence et de la solitude. Un étonnant bout du monde intérieur; un paradoxal arrière-pays vers le centre. Comme il s'agit en quelque sorte d'un havre, les orientations d'aménagements du parc tentent d'intégrer ce constat, afin de protéger ces expériences immatérielles, ce patrimoine expérientiel source de dépaysement autant que de tranquillité. Par exemple, le long de la vallée du Ruisseau-de-la-Montagne les haltes sont dispersées sur le trajet afin de permettre aux randonneurs de pique-niquer en toute intimité avec les cascades et les martins pêcheurs.
Saisir l'immatériel avant qu'il ne soit trop tard...
Mais au-delà du patrimoine expérientiel et physique de ce lieu, qu'en est-il vraiment du relief immatériel de ce pays intérieur? Que nous raconte-t-il? Que révèlent les légendes sous les ombres des vallées et des ravins? Que nous dissimulent les talwegs où grondent des torrents allant au fond des choses et où la vie passée ruisselle et se perd en contournant les aspérités? Le fascinant "subconscient" de ces milieux naturels porte autant d'émerveillements silencieux qu'une multitude d'histoires sinueuses plus ou moins kaschers : cristaux enfouis, trésors perdus, passages souterrains secrets, pêches miraculeuses, souffle divin et chute de croix, arbres géants, dragons somnolents... ou portes d'entrée vers mondes célestes. Mais comment conserver des mythes imaginaires ou des rideaux de fumée? Comment conserver ce patrimoine culturel immatériel? Mais bien sûr... en le racontant!
Ainsi, le parc mettra sur pied le Registre des Échos, Contes, Inventions et Témoignages (RÉCIT) du mont Mégantic, dont l'objectif avoué sera de compléter, avec des zones d'ombres et d'approximations, l'éclairage essentiel et immatériel des regards astronomiques et scientifiques (l'Observatoire du mont Mégantic) ainsi que religieux (le Sanctuaire du mont St-Joseph) ayant déjà cours au parc.
Restez donc à l'affut via ce blogue... À moins que tout ceci ne soit encore qu'une invention ou une rumeur...
Pour en savoir plus sur la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l'UNESCO.
Camille-Antoine Ouimet, responsable du service de la conservation et de la sécurité au parc national du Mont-Mégantic, ouimet.camilleantoine@sepaq.com.
Photos : Guillaume Poulin et Patrick Graillon.