Entraîneur d’ours blancs au cœur tendre
Avec ses cheveux longs et sa bouille sympathique, Félix Labrosse a tout du type cool. Rien ne laisse croire qu’il entraîne le plus grand prédateur terrestre, l’ours blanc. Cet entraîneur aux mammifères marins de l’Aquarium du Québec obtient des résultats étonnants avec les animaux. Son secret : le renforcement positif. Rencontre avec un passionné des bêtes à quatre pattes.
Même s’il n’a que 29 ans, Félix a une vaste expertise derrière la cravate, ou plutôt derrière son uniforme beige de guide animalier! Son aventure commence à 18 ans, lorsqu’il joint la Société protectrice des animaux (SPA) Beauce-Etchemin. C’est à cette époque qu’il adopte sa belle Jeanne d’Arc, une chienne labrador de deux ans et demi née dans une usine à chiots illégale. Quand elle se retrouve au refuge, il a le coup de foudre pour elle.
Comprendre les bêtes poilues
Puis, c’est au refuge Les Fidèles Moustachus, à Québec, qu’il poursuit sa carrière avec les animaux domestiques errants ou perdus. Pour perfectionner ses interventions, il commence aussi une formation au privé avec la spécialiste du comportement animal Jacinthe Bouchard. Psychologie comportementale, entraînement, gestion de l’agressivité et des comportements déviants, santé animale, les apprentissages sont variés.
Avec tout le bagage qu’il acquiert, Félix se lance en affaires en démarrant sa propre entreprise. Il se déplace chez les gens pour leur fournir des conseils adaptés à leurs animaux de compagnie. Mais il a ce désir, tout au fond de lui, qui n’est toujours pas assouvi : celui de travailler avec de grands mammifères.
Un défi de taille : les ours blancs
C’est en 2019 que son rêve devient réalité. Alors qu’il n’a que 25 ans, il joint l’équipe de l’Aquarium du Québec comme guide animalier aux mammifères marins. Dès son arrivée, il travaille avec différents animaux : oiseaux de proie, phoques, morses et renards arctiques.
Au cours de sa première année, on lui confie un gros mandat, c’est le cas de le dire! Il doit prendre soin des ours blancs, Eddy et Taïga, transférés en Ontario, au Cochrane Polar Bear Habitat. Le transfert est nécessaire en raison des travaux qui débutent à l’Aquarium pour doubler la superficie de leur habitat.
Une expérience hors du commun
Avant d’accepter de partir en Ontario pour trois mois, il pose une seule condition : amener sa Jeanne d’Arc! La demande est acceptée et s’ensuit une expérience très formatrice.
Alors qu’il n’avait jamais travaillé avec les ours blancs à cette époque, il apprend tout d’un collègue expérimenté du Cochrane Polar Bear Habitat. « Il y avait un conservateur incroyable qui connaissait tout… la biologie de l’ours blanc, son comportement en captivité et en nature. Je lui ai posé toutes mes questions. Pour le partage de connaissances, ça a été une expérience extraordinaire », raconte-t-il.
Lorsqu’Eddy revient à l’Aquarium, c’est Félix qui lui est assigné, question qu’ils poursuivent la belle relation entamée.
Des « petits » nouveaux!
Au fil des ans, deux autres ours blancs emménagent dans l’habitat fraîchement rénové : Kinuk et Shouka, deux oursons en provenance du Zoo sauvage de Saint-Félicien. Félix se voit confier le mandat de prendre soin de Shouka. À ce jour, il estime que c’est son plus beau défi professionnel.
Il faut dire que Shouka n’a pas la réputation d’être un ours « facile »! « Nous avons une relation passionnelle. Je l’aime tellement et en même temps, des fois, il vient me chercher! Il a un tempérament explosif. Dès qu’il a de la nourriture, il devient très agressif », admet l’entraîneur. Avec patience, Félix et ses collègues responsables des mammifères marins ont réussi à tempérer ces comportements d’agressivité.
Le mystère Shouka
Même s’il s’occupe de Shouka depuis bientôt trois ans, cet animal le fascine toujours autant. « Une fois qu’il est calmé, il est super intelligent. Parfois, en deux séances seulement, il apprend de nouveaux comportements que nous lui enseignons », déclare fièrement Félix.
Se tourner sur le dos, se lever, coller son épaule sur le grillage pour recevoir un vaccin ou pour une prise de sang volontaire… les entraînements biomédicaux portent leurs fruits. Cela permet d’éviter les anesthésies qui auraient été nécessaires sans la coopération de l’animal.
« C’est beaucoup moins traumatisant pour eux et ça favorise leur bien-être. C’est primordial pour moi. C’est notre devoir de prendre soin d’eux, comme on prendrait soin de nos animaux domestiques. Il faut s’assurer au maximum de la qualité de vie d’un animal, quelle que soit la situation », insiste l’entraîneur.
Sa Joséphine
Félix a un nouveau coup de cœur ces temps-ci : Joséphine, qui fait partie des trois renards arctiques récemment arrivés à l’Aquarium. Il a un attachement inconditionnel pour elle.
« Elle a un tempérament assez unique. Elle me mordait parfois, à son arrivée, mais nous avons surmonté cela. J’ai vraiment une belle relation de proximité avec elle », décrit-il affectueusement.
Visiblement, l’entraîneur mord à belles dents dans son métier atypique. Quand on lui demande ce qu’il trouve le plus difficile avec les animaux, il répond, l’air pensif : « Pour moi, il n’y a rien d’insurmontable avec chaque espèce que j’entraîne. Avec le renforcement positif, il n’y a jamais rien d’irrécupérable. Il faut toujours revenir à la base même des comportements problématiques, il faut juste se laisser du temps. »
Donner au suivant
L’entraîneur a de grandes visées quand il se tourne vers l’avenir. Il aimerait donner des formations à ceux et celles qui désirent en apprendre davantage sur l’entraînement des animaux. Une façon pour lui de donner au suivant, avec tout le bagage qu’il a acquis au fil des ans, avec différents mentors. Et son secret pour demeurer toujours aussi passionné et émerveillé? Garder son cœur d’enfant, tout simplement.