Blogue de conservation

Un nouveau site archéologique majeur pour l’histoire au Témiscouata

24 juillet 2012


Le Témiscouata est connu des archéologues depuis longtemps et le territoire regorge d’histoires et de secrets enfouis dans le sol. Il y a quelques semaines, les fouilles et les sondages archéologiques préalables, réalisés dans le cadre de la mise en valeur du patrimoine culturel au parc national ont permis la découverte de plusieurs sites archéologiques d’importances et du même coup ont apporté une dimension nouvelle au projet initial de mise en valeur.

Le Témiscouata, un endroit stratégique pour l’archéologie

Contrairement à bien des régions du Québec, le Témiscouata a fait l’objet de plusieurs études et campagnes de fouilles et des documents y soulignent la présence d’artefacts préhistoriques dès la fin du XIXe siècle. Lors de la création du parc national du Lac-Témiscouata, une cinquantaine de sites avait déjà été découverts dont 31 se retrouvent désormais à l’intérieur des limites du parc. Ces sites couvraient toutes les périodes, de l’archaïque (il y a 3000 à 9000 ans AA) jusqu’à la période historique. Cette « continuité » historique très intéressante est renforcée par la présence de personnages marquants comme Grey Owl, Joseph Viel ou le curé Cyr.

Plusieurs raisons peuvent expliquer la grande richesse archéologique du territoire, notamment la position stratégique du Témiscouata, dont les rivières permettaient de relier aisément la Baie de Fundy et la vallée du St Laurent, tout comme la présence connue de 2 carrières de chert qui rendaient la région particulièrement attrayante pour les groupes amérindiens à la recherche de matériaux lithiques pour tailler des outils.

Les portages du Témiscouata, une route connue et empruntée depuis très longtemps (Franquelin 1678 Gallica)

Un élément majeur de la mise en valeur

Le parc du Lac-Témiscouata se caractérise donc par une richesse exceptionnelle de sites historiques et naturels. C’est peut-être ce lien intime entre nature et culture qui est l’élément le plus marquant de ce nouveau territoire protégé. Depuis que les humains fréquentent le territoire il y a près de 10 000 ans, ceux-ci ont lié leur histoire à celle du territoire. Gisements de chert, faune, flore, matière ligneuse, érablières, et maintenant parc national… si la notion de richesse a évolué au fil des millénaires, le parc peut s’enorgueillir d’avoir toujours représenté un territoire riche avec lequel les humains ont tissé un lien particulièrement fort. C’est ce lien qui est sans doute la plus belle et la plus durable des richesses. Ce lien est devenu un des éléments centraux de la mise en valeur du parc dont les portes ouvriront au public en 2013.

Outre les sentiers de découverte et les parcours canotables qui verront le jour au cours de l’été, il a été décidé d’aménager un site dédié entièrement à l’histoire et au lien nature-culture : « Le jardin des mémoires ».

Le Jardin des mémoires

« Le jardin des mémoires » sera situé au niveau du cœur historique et naturel du parc national du Lac-Témiscouata, à la jonction du lac et de la rivière Touladi. Le projet a demandé autant l’implication de chercheurs universitaires que de la première nation malécite. Il permettra d’évoquer notamment le lien nature-culture et les grandes époques historiques à travers des aménagements paysagers qui abriteront des « évocations » des périodes marquantes de l’histoire. Une partie du site sera également consacrée à l’archéologie.

L’histoire s’emballe au parc national

À cause de la richesse archéologique du territoire, des sondages systématiques ont été réalisés avant les travaux d’aménagement et de mise en valeur dans toutes les zones présentant un potentiel archéologique et ce, à l’échelle de tout le parc national. Ces sondages ont déjà permis de découvrir et de protéger une quinzaine de nouveaux sites depuis 2 ans.

À cause de la présence connue d’un camp forestier de la compagnie Fraser construit dans les années 1920 en bordure du site du « jardin des mémoires », le parc national du Lac-Témiscouata a fait réaliser des sondages systématiques du site afin d’avoir l’assurance qu’aucun aménagement ne perturbe ou n’endommage un site archéologique. Et les résultats furent à la hauteur des précautions prises. Sur les 60 sondages réalisés, plus de la moitié d’entre eux ont livré un matériel archéologique témoignant d’une occupation préhistorique des lieux. Les sondages effectués le long de la limite sud du terrain ont livré davantage d’objets témoignant de la présence des bâtiments et des employés de la Compagnie forestière Fraser.

Les sites préhistoriques découverts sont répartis à différents niveaux et s’échelonnent le long d’un gradient altitudinal le long duquel les sites les plus anciens se retrouvent le plus loin du niveau actuel de l’eau. La configuration de ces sites laissent penser que le niveau du Grand lac Touladi était alors plus élevé que aujourd’hui, ce qui porte à croire que ces sites sont très anciens (environ 8000 ans AA). Selon Jean-Yves Pintal, un archéologue qui travaille sur le territoire du parc, « Certains sites ont livré une quantité et une diversité d’objets remarquables. Rares sont les secteurs au Témiscouata où on peut disposer d’un tel regard sur l’évolution des modes d’occupation humaine de ce territoire en évolution ». Le hasard fait donc que le site du « jardin des mémoires » est un résumé de toute l’histoire de la région et son aménagement en devient d’autant plus pertinent. Dans l’état actuel des connaissances, il est considéré que l’on trouve là certains des sites archéologiques les plus vieux du parc national.

L’avenir s’écrira avec le passé

En raison de la quantité et de la qualité des sites découverts, les aménagements prévus devront être modulés de façon à protéger les sites et certains secteurs devront être fouillés préalablement à tout travaux. Ces découvertes, si elles compliquent l’aménagement du Jardin des mémoires, l’enrichissent aussi considérablement et un archéologue devrait rejoindre d’ici peu l’équipe du parc national grâce à l’aide du ministère de la culture, de la communication et de la condition féminine (MCCCF). De nombreux travaux de recherche et de mise en valeur sont à venir. Mise en valeur et conservation du patrimoine culturel avancent donc de concert et l’ouverture du parc national du Lac-Témiscouata promet donc des découvertes et des activités exceptionnelles pour redécouvrir ce précieux lien entre la nature et la culture.


Pierre-Emmanuel Chaillon, responsable du service de la conservation et de l'éducation au parc national du Lac-Témiscouata, chaillon.pierreemmanuel@sepaq.com.

Photos : Jean-Yves Pintal et Mathieu Dupuis.


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