Blogue de conservation

Petite faune à explorer… Grande diversité à découvrir!

15 April 2014


Les parcs nationaux constituent des sanctuaires clés pour le maintien de la biodiversité. Bien que les occurrences relatives aux organismes vertébrés soient bien documentées, il en va tout autrement des connaissances relatives à la petite faune des invertébrés qui demeurent très fragmentaires. C’est le cas en particulier de l’embranchement des arthropodes, dont la classe des insectes forme le groupe d’organismes vivants le plus diversifié sur Terre.

Insectes et autres arthropodes… Ces négligés de la biodiversité

Les insectes et autres arthropodes représentent environ 65 % des espèces vivantes actuellement connues dans le monde (Hébert, 1995). Trois animaux sur quatre sont des insectes. Il y aurait environ 1 million d’espèces d’insectes de répertoriées dans le monde et des estimations établissent qu’il en existerait entre 2 millions et 100 millions d’espèces. Cet écart traduit bien l’ampleur de notre ignorance dans ce domaine. Au Québec, cette richesse est estimée à environ 30 000 espèces d’insectes, dont environ 25 000 auraient été répertoriées. Depuis quelques années, 30 espèces d’insectes ont été ajoutées à la liste des espèces fauniques susceptibles d’être désignées comme menacées ou vulnérables au Québec (Domaine et collab., 2010).

Les insectes et autres arthropodes apparentés occupent une multitude de niches écologiques. Malgré leur abondance et leur potentiel comme bio-indicateur, ils sont peu étudiés, notamment en raison des lacunes taxonomiques qui limitent la faisabilité des inventaires. C’est avec l’objectif de documenter certaines composantes de ce groupe faunique particulièrement diversifié que le parc national de la Yamaska s’est adjoint l’expertise de collaborateurs chevronnés pour réaliser des inventaires spécifiques sur les libellules (Odonates) et les araignées (Aranéides).

L’inventaire des odonates : petit territoire, grande richesse

Les odonates abondent dans la plupart des milieux naturels. La diversité des espèces observées en un lieu donné constitue un moyen reconnu pour évaluer la santé relative des écosystèmes. Au Québec, la richesse de cet ordre d’insectes s’établit actuellement à 145 espèces.

Avec la participation d’entomologistes émérites, l’odonatofaune du parc a pu être inventoriée dans une trentaine de sites, répartis sur l’ensemble du territoire, afin de répertorier le plus grand nombre d’espèces et de préciser leur période d’activité de vol. Sur la période de 2002 à 2004, les travaux ont permis de dénombrer 67 espèces, dont certaines (comme le cordulégastre oblique, l’érythème des étangs et le gomphe fourchu) sont rarement répertoriées dans la province (Perron, Jobin et Mochon, 2005). Depuis, cette liste provisoire déjà exhaustive s’est allongée de quatre nouvelles espèces avec les trouvailles de l’épithèque d’Uhler, du gomphe à style blancs, de la macromie noire et de la courtisane d’Amérique.

L’observation de la courtisane d’Amérique aux abords de la rivière Yamaska Nord constitue une découverte inusitée puisque sa présence au Québec ne s’appuyait que sur une seule mention datant d’il y a plus d’un siècle.

Avec 71 espèces recensées, l’odonatofaune du parc serait une des plus riches à avoir été signalée au Québec sur un territoire aussi restreint (le parc faisant 12,9 km²). Faciles à observer, les odonates représentent un groupe d’intérêt dans le cadre des programmes éducatifs destinés aux visiteurs du parc.

L’étude des araignées : une contribution à la biodiversité mondiale

Au Québec, l’aranéofaune connue compte environ 660 espèces réparties dans 27 familles. À cette liste s’ajoute une cinquantaine d’espèces probables qui n’ont jamais été prélevées dans la province. En vue d’établir un registre faunistique exhaustif de cet ordre des Aranéides, une campagne d’échantillonnage d’envergure a été menée au parc en 2006 et 2007 avec la collaboration de Pierre Paquin et de Nadine Dupérré, deux arachnologues émérites. La position méridionale du parc et sa mosaïque forestière laissaient entrevoir des trouvailles surprenantes. L’ampleur des découvertes a dépassé toute attente…

Au total, 9 079 araignées adultes ont été récoltées, représentant 234 espèces réparties dans 21 familles, soit 35 % de l’aranéofaune connue du Québec. Plusieurs espèces récoltées représentent des mentions d’espèces rarement trouvées dans la province et cinq d’entre elles constituent des ajouts à la faune québécoise. La découverte de trois espèces inconnues de la science est sans conteste le fait le plus marquant : Agyneta sheffordiana, Tapinotorquis yamaskensis et Mysmena quebecana ont été décrites et nommées d’après les spécimens récoltés dans le cadre de ce projet (Paquin, Dupérré et Mochon, 2008). Mysmena quebecana est la première espèce de son genre à avoir été découverte sur le continent nord-américain, d’où l’allusion faite au territoire du Québec dans son nom. Comme quoi, la biodiversité de notre patrimoine naturel reste encore à explorer et à découvrir.

Échantillonnage des araignées par battage de la végétation au filet pyramidal

Partenariats recherchés…

Les besoins en recherche dans les parcs sont grands et l’expertise externe est toujours nécessaire pour la réalisation de projets. La caractérisation des différents groupes d’arthropodes, en particulier la classe des insectes, demeure assurément un vaste champ d’études prometteur encore peu connu et à explorer. Le parc national de la Yamaska constitue un laboratoire naturel accessible, qui plus est, en raison de sa position méridionale, se trouve dans une zone climatique où s’exprime la plus grande biodiversité du Québec. Chaque année, des milliers de visiteurs s’émerveillent devant les beautés que recèlent les milieux naturels de ce territoire protégé.

Références

Domaine, É., N. Desrosiers et B. Skinner. 2010. Les insectes susceptibles d’être désignés menacés ou vulnérables au Québec. Le Naturaliste canadien, 134 (2): 16-26.

Hébert, C. 1995. Les insectes : les grands oubliés du discours sur la biodiversité. Le Naturaliste canadien, 119 (1) : 38-40.

Mochon, A. 2011. Découverte de la courtisane d’Amérique (Hetaerine americana), odonate, au Québec. Le Naturaliste canadien, 135 (2) : 34-37.

Paquin, P., N. Dupérré et A. Mochon. 2008. Diversité et liste annotée des araignées (Araneae) du parc national de la Yamaska (Québec, Canada). Le Naturaliste canadien, 132 (2) : 14-29.

Perron, J.-M., L. Jobin et A. Mochon. 2005. Odonatofaune du parc national de la Yamaska, division de recensement de Shefford, Québec. Le Naturaliste canadien, 129 (2) : 17-25.


Alain Mochon est responsable du service de la conservation et de l’éducation au parc national de la Yamaska. mochon.alain@sepaq.com

Photos : Alain Mochon.


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