Le grand retour des bandes riveraines!
26 février 2013
L’historique d’occupation du territoire au parc national du Mont-Tremblant est en lien direct avec l’utilisation des berges, des cours d’eau et des lacs. L’œil averti y décèle une série de vestiges et d’indices de la présence humaine. La prise en compte de la valeur écologique des rives constitue un élément relativement nouveau de l’histoire du parc national du Mont-Tremblant. L’équipe du parc national entre désormais dans une ère de restauration et de respect de l’intégrité de ces habitats.
Autres temps, autres mœurs
La gestion du plus vieux parc du Québec a évolué à travers les époques. Ce joyau précieux s’est adapté aux changements culturels et environnementaux au cours des époques. De la réserve forestière qu’il était à sa formation en 1895 au parc national d’aujourd’hui, il y a eu moult changements. À cette époque, les loisirs de plein air et la préservation du milieu naturel étaient des concepts peu populaires. On utilisait les cours d’eau pour le transport du bois et on avait bien peu de considération pour l’intégrité des écosystèmes aquatiques. Ces « chemins d’eau » devaient être efficaces pour conduire les billots vers les usines de pâtes et papiers et les moulins à scie. Plus tard, ce sont les pêcheurs et campeurs qui ont su profiter de cet accès au réseau aquatique. Les gens pratiquaient ces activités directement dans les bandes riveraines, dénudées par les exploitants forestiers.
Berge du lac Lauzon en 1962 et Camping La Baccagnole en 1966
La conservation fait son chemin
Avec les années, la volonté de conservation devient plus forte et les loisirs prennent plus de place. Un courant nouveau apparaît et les mentalités changent. Parallèlement, les goûts et les besoins des campeurs évoluent; les gens cherchent l’ombre et l’intimité des arbres. Graduellement, les valeurs de conservation se frayent un chemin et les aménagements sont réalisés avec un souci progressif de respect des milieux aquatiques et forestiers.
Des études dans les années 1970 sur les écosystèmes lacustres ont permis de mieux connaître l’important rôle joué par les bandes riveraines. On y repère des lieux de reproduction, des aires d’alimentation et des abris pour plusieurs espèces de poissons, d’oiseaux, d’amphibiens, de reptiles, d’insectes et de mammifères. En outre, les végétaux, grâce à leur réseau de racines, assurent une stabilité au sol et retiennent les matières non désirables qui pourraient se retrouver dans l’eau. On découvre la richesse floristique de ces milieux exceptionnels.
L’avènement de la Loi sur les parcs de 1977 permettra dès 1981 d’interdire la coupe forestière et la chasse sur le territoire. Sa vocation première passe de la récréation à la conservation. L’objectif du parc est désormais d'assurer, de façon permanente, la conservation et la protection du territoire notamment en raison de sa diversité biologique, tout en le rendant accessible au public à des fins d'éducation et de récréation extensive.
Les berges d’hier au goût d’aujourd’hui
Plusieurs aménagements d’hier ne sont plus en accord avec les principes qui régissent désormais l’aménagement d’un parc national. Depuis plusieurs années, de nombreux travaux ont été réalisés pour restaurer l’intégrité des milieux riverains. Parmi ceux-ci :
- Des dizaines de sites de camping se trouvant sur la bande riveraine qui ne pouvaient être déplacés ou reculés sont fermés, et ce, malgré leur grande popularité auprès de la clientèle.
- À plusieurs endroits dénudés, des affiches sur des piquets reliés par des cordes indiquant : « bande riveraine au travail » ou « milieu fragile » sont installées pour éviter le piétinement et favoriser la revégétalisation naturelle.
- Des plantations d’espèces végétales adaptées aux bandes riveraines sont réalisées à plusieurs endroits, là où l’érosion est la plus problématique. Par exemple, en 2009, avec l’aide de bénévoles des « Amis du parc national du Mont-Tremblant », des plantations ont lieu à la Pointe-du-Geai-Bleu et au camping Sigouin dans le secteur Pimbina. En 2010, ce même groupe œuvre sur les sites du camping des Aulnes et de la Timbale dans le secteur de la Diable.
- En 2012, des investissements visant à végétaliser les berges de l’Atelier de la Pimbina permettent de redonner à la nature un site qui, depuis des décennies, servait à l’entreposage. Ainsi, les bâtiments se trouvant à moins de 20 mètres de la ligne des hautes eaux du lac Lajoie et du ruisseau Télésphore sont retirés, les sols sont décontaminés et la bande riveraine est végétalisée avec des essences indigènes typiques du secteur.
L’aménagement d’aujourd’hui à proximité des berges
- En 2010, lors de l’aménagement de la Boucle des Chutes-Croches, un sentier multifonctionnel de 13,4 km, soit une partie de l’ancienne piste cyclable passant en zone inondable, est déplacé à plus de 60 m de la ligne des hautes eaux. L’ancienne piste est végétalisée et bon nombre de sites de camping situés sur la berge sont fermés et végétalisés.
- L’aménagement du nouveau Centre de découverte, ainsi que de son stationnement et ses infrastructures d’accueil sur les sites perturbés d’anciens campings, permet de restaurer les berges du lac Monroe et du ruisseau des Érables.
- En 2013, nous procéderons à l’aménagement de chalets Nature sur des sites du camping de la Volière à l’extérieur des berges et les anciens sites de camping situés sur la bande riveraine seront restaurés.
La conservation compatible avec les activités humaines
Le parc national du Mont-Tremblant, à l’instar des autres parcs nationaux du Québec, s’efforce de préserver l’intégrité écologique de son territoire, qui contient quelque 400 lacs et plusieurs rivières, sans parler des autres écosystèmes représentatifs de notre région naturelle : les Laurentides méridionales.
L’historique d’occupation du territoire au parc national est en lien direct avec l’utilisation des berges, des cours d’eau et des lacs. L’œil averti y décèle toute une série de vestiges et d’indices de la présence humaine. La prise en compte de la valeur écologique des rives constitue un élément relativement nouveau de l’histoire du parc national du Mont-Tremblant. L’équipe du parc entre désormais dans une ère de restauration et de respect de l’intégrité de ces habitats. Ce travail va de pair avec la sensibilisation des visiteurs. Année après année, notre équipe de gardes-parc veille à sensibiliser les visiteurs à l’importance de préserver ce « joyau précieux » qu’est l’écotone riverain. Nous réalisons aujourd’hui à quel point les lacs contribuent à notre bien-être général, et ce, bien au-delà des limites du parc.
Sylvie Gobeil, garde-parc naturaliste au parc national du Mont-Tremblant.
Hugues Tennier, responsable du service de la conservation et de l’éducation au parc national du Mont-Tremblant, tennier.hugues@sepaq.com.
Photos : Sylvie Gobeil; Hugues Tennier; Sépaq; gouvernement du Québec.