Une tour pour épier les bélugas
7 novembre 2017
En juillet dernier, le GREMM (Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins) a érigé une tour d’observation temporaire dans la baie Sainte-Marguerite, près de l’embouchure du fjord. C’est donc du haut des airs que les moindres faits et gestes des bélugas du Saint-Laurent sont épiés.
Le béluga, symbole de fragilité du Saint-Laurent
La population de bélugas du Saint-Laurent occupe la région la plus au sud de l’aire de distribution de l’espèce. Apparue en 1983 sur la liste des espèces en péril au Canada, elle est désormais en voie de disparition. La chasse intensive au 20e siècle a décimé en grande partie cette population, qui s’estimait alors à plus de 10 000 individus. Aujourd’hui, ce sont d’autres facteurs qui contribuent à la diminution de la population, que l’on estime à seulement 900 individus. Parmi ceux-ci, on soupçonne la réduction de la qualité et de la quantité des proies, les contaminants, la dégradation de l’habitat et la pollution sonore.
M’entends-tu?
Saviez-vous que le son voyage 4,5 fois plus rapidement dans l’eau que dans l’air? Ce facteur de multiplication est très important pour les bélugas qui jouissent d’une audition très bien développée. Ce sens est essentiel pour communiquer et pour trouver leur proie dans l’espace marin, déjà obscur à quelques mètres de la surface. Le béluga, surnommé affectueusement « canaris des mers », a un répertoire vocal très varié. Comme les autres baleines à dents, il utilise différentes catégories de sons. Par exemple, lors des premières semaines de vie, les baleineaux émettent des sons très particuliers, nommés « appel de contact », qui permettent de garder le contact avec leur mère. Ces sons, émis à basse fréquence, un peu comme un chuchotement, peuvent être rapidement masqués par le bruit des bateaux.
Baie Sainte-Marguerite, lieu d’espionnage parfait!
Localisée à environ 25 km en amont de l’embouchure du fjord, la baie Sainte-Marguerite constitue un lieu important pour la socialisation des jeunes bélugas. Des troupeaux de bleuvets (jeunes âgés de 1 an) et de juvéniles accompagnés d’adultes y sont fréquemment observés en été. Ce « village vacances » de béluga est donc l’endroit parfait pour l’installation d’une tour d’écoute et d’observation.
Figure 1. Bélugas nageant devant le belvédère terrestre de la Halte du Béluga à la baie Sainte-Marguerite, GREMM
Valeria Vergara, de l’Aquarium de Vancouver, récolte des données à partir de la tour pour sa recherche sur le développement de la communication entre les mères et leurs veaux. Elle applique un protocole d’acoustique passive, c’est-à-dire qu’elle enregistre les sons sous-marins émis par les bélugas à l’aide d’un micro étanche (hydrophone). Puis, du haut des airs, Jaclyn Aubin, étudiante à la maîtrise du Memorial University of Newfoundland, capte des images à l’aide d’une caméra installée sur un drone. Cette technique permet de suivre les mouvements et les comportements des bélugas, tout en notant la présence d’embarcation nautique. Ces photos seront utilisées pour son projet de maîtrise, réalisé en collaboration avec le GREMM, portant sur les soins allomaternels des jeunes bélugas, c’est-à-dire les soins portés à un jeune par toute autre femelle que sa mère.
L’ensemble des informations récoltées par ces projets de recherches couplés au travail des gardes-parc patrouilleurs, naturalistes et intervenants permet de mieux connaître les relations au sein des groupes de bélugas et ainsi, de mieux protéger l’espèce.
Pour en savoir davantage, consultez la page de Baleines en direct.
Naya Lebovitz est étudiante à l'Université du Québec à Rimouski.
Nancy Lavoie est garde-parc technicienne au parc national du Fjord-du-Saguenay.
Photo de couverture: GREMM