Blogue de conservation

Des passages à faune sous la route 175

16 avril 2013


Dans le cadre du réaménagement de la route 175, dont un long tronçon borde l’est du parc national de la Jacques-Cartier, le ministère des Transports du Québec (MTQ) a investi dans l’installation de dispositifs de contrôle de la grande, moyenne et petite faune. En permettant une diminution du nombre de collisions avec les véhicules, ces structures jouent un rôle en matière de sécurité publique, mais elles ont aussi une vocation écologique, puisqu’elles assurent la connectivité des habitats de part et d’autre de la route.

L’écologie routière

De plus en plus d’études se penchent sur l’impact des routes sur la mortalité routière animale. La fracture que ces routes causent à la connectivité est une préoccupation attirant l’attention des écologistes et des aménagistes. La connectivité est primordiale pour plusieurs aspects écologiques tels que la disponibilité alimentaire de part et d’autre le route, assurer un flux génétique, l’accès aux habitats d’été et d’hiver, l’équilibre dans les relations proies et prédateurs, etc. La mortalité routière peut quant à elle décimer une importante portion d’une population animale, principalement lors de la dispersion des jeunes.

La réfection de la route 175, passant d’une route de 2 voies d’environ 35 mètres de large à une autoroute à 4 voies d’environ 100 mètres de large, a suscité une importante réflexion sur ses impacts sur le milieu naturel environnant, soit les territoires du parc national de la Jacques-Cartier et de la réserve faunique des Laurentides. Il en a résulté l’établissement de mesures d’atténuation reliées au contrôle de la faune composé de clôtures et de passages sous la route.

Cerfs de Virginie utilisant le passage faunique à l’entrée du parc national de la Jacques-Cartier

Pourquoi des passages pour la faune?

Les principaux objectifs de ces aménagements sont :
• Réduire le risque de mortalité routière de la faune due à l’augmentation de la circulation et promouvoir la sécurité des automobilistes;
• Améliorer la perméabilité de la route, c’est-à-dire augmenter l’accès aux habitats des deux côtés de la route pour toutes les espèces d’animaux;
• Conserver la connectivité des processus écologiques et pourvoir à la résilience à long terme des populations fauniques dans le secteur.

Au total, 39 passages fauniques sont en opération le long de la route 175 entre Stoneham-et-Tewkesbury et le Lac St-Jean, 33 pour la petite et moyenne faune (porc-épic, renard, vison, martre…) et 6 pour la grande faune (orignal, loup, ours...). Un passage aménagé pour la grande faune consiste généralement à sur dimensionner un viaduc afin de conserver des berges au sec de chaque côté du cours d’eau sous la route et d’assurer un dégagement en hauteur afin que l’animal ne se sente pas cloîtré. Pour la petite et moyenne faune, des ponceaux secs ont été insérés sous la route à différents endroits et à l’intérieur de certains ponceaux existants où il y avait de l’eau, des trottoirs ont été ajoutés, permettant aux petits mammifères de traverser au sec. Les clôtures situées en bordure de la route, en plus de servir de barrière pour éviter les déplacements sur la chaussée, convergent vers ces passages pour orienter la faune.

Aménagement sous un viaduc de la route 175

Marmotte traversant sur un trottoir de béton

Ce projet novateur pour le Québec dans la planification de nos aménagements routiers allait pouvoir servir de laboratoire. Les chercheurs et biologistes de l’Université du Québec à Rimouski, du ministère des Transports, du ministère des Ressources naturelles et de l’université Concordia ont donc étudié si les collisions avec les véhicules sont moins fréquentes dans les zones aménagées, si les animaux utilisent ces passages et si certains types de passages sont plus performants que d’autres.

Utilisation par la grande faune

L’orignal étant une espèce omniprésente sur le territoire et étant responsable de la majorité des accidents routiers, les premières recherches ont porté sur son comportement face à ce nouvel environnement. Le rapport présenté par la firme AECOM en avril 2011 démontre une forte utilisation de ces passages avec en moyenne 1,6 passages journaliers d’orignaux à travers les 6 aménagements fauniques pour la grande faune. Le nombre d’animaux qui y circulent en fait un succès assurant un minimum d’échanges entre les populations de chaque côté de la zone clôturée. Les clôtures forment une barrière étanche aux orignaux et les suivis de piste montrent que seules quelques intrusions dans les emprises se font par les extrémités. Une baisse importante du nombre de collisions dans les zones qui sont clôturées est observée, mais pour l’ensemble de la route 175, le résultat n’est pas celui escompté. Divers facteurs peuvent expliquer ce phénomène dont l’augmentation de la densité d’orignaux en bordure des secteurs non clôturés et le changement dans les patrons de déplacements globaux des orignaux. De plus, un effet de bout se fait ressentir aux extrémités de zones clôturées de telles sortes que l’aménagement de passages fauniques supplémentaires avant la fin de ces zones clôturées serait souhaitable. Le rapport final de cette étude peut être consulté sur le site du MTQ.

Des études évaluant l’impact de la route sur les déplacements du caribou ont également permis de circonscrire les principaux lieux où cette espèce traverse sur la chaussée (les passages fauniques actuels n’étant pas utilisés) en plus de cerner son comportement face à la route. Ces résultats seront des renseignements précieux advenant l’aménagement de nouvelles infrastructures.

La petite et moyenne faune

Depuis l’été 2012, un nouveau projet de recherche s’échelonnant sur 4 ans met l’emphase sur l’efficacité des mesures d’atténuation pour nos plus petites espèces. Comme pour la grande faune, un suivi des collisions et la quantification de l’utilisation des passages à l’aide de caméra seront effectués. De plus, une étude plus approfondie d’une espèce cible, la martre d’Amérique, permettra d’évaluer si la route 175 est perméable aux individus de cette espèce et à son flux génétique. En d’autres mots, il se peut que la route isole deux populations de martres, car elle constituerait une barrière trop importante pour que cette espèce la traverse. Pour l’instant, aucune traversée complète de martre n’a été enregistrée dans les passages. Les chercheurs captureront des martres afin de comparer les zones mitigées à des zones témoins, analyser la diversité génétique et suivre les déplacements des individus à l’aide de colliers émetteurs. Les résultats de ces études sur la petite et moyenne faune feront l’objet d’un prochain article sur ce blogue.

Pour le parc national de la Jacques-Cartier, l’efficacité des mesures est primordiale afin d’assurer la connectivité du parc avec la portion est du massif des Laurentides. Nous participons aux comités aviseurs de ces projets et nous collaborons avec les chercheurs afin de fournir une aide logistique sur le terrain.

Renard roux dans un passage à petite et moyenne faune.

Références

Le Naturaliste canadien. Printemps 2012. Routes et faune terrestre : de la science aux solutions. Volume 136-2.

AECOM, 2001. Bilan du suivi environnemental du projet d’amélioration de la route 175 à quatre voies divisées. Rapport final. 44 p.
http://www.mtq.gouv.qc.ca/portal/page/portal/Librairie/Publications/fr/grands_projets/axe_routier_73175/Bilan_suivi_environnemental_GF.pdf


Jean-Emmanuel Arsenault est responsable du service de la conservation et de l’éducation du parc national de la Jacques-Cartier
arsenault.jeanemmanuel@sepaq.com

Évan Hovington (M.Sc.) est technicien de la faune pour l'Université Concordia.
 



Photos: Université Concordia; Ministère des transports du Québec (MTQ).

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