Via ferrata : explorer les falaises avec un minimum d’impact
8 janvier 2013
Les falaises représentent des milieux naturels fascinants qui offrent des points de vue spectaculaires, mais elles sont difficilement accessibles. Dans le but de faire découvrir ces milieux à un plus grand nombre de visiteurs, le parc national des Grands-Jardins a aménagé un circuit de via ferrata. Une étude structurée de caractérisation a été effectuée préalablement pour s’assurer de minimiser les impacts écologiques de cette implantation.
La caractérisation des sites d’implantation… pourquoi?
Depuis maintenant plus de 30 ans, les parcs nationaux du Québec visent à assurer la pérennité du patrimoine naturel et culturel de sites représentatifs de notre territoire ou de sites à caractère exceptionnel, tout en les rendant accessibles au public pour leur offrir une expérience unique. Des infrastructures, telles que les sentiers et des sites de camping, doivent donc être aménagées pour garantir cette accessibilité.
Bien entendu, le développement d’une infrastructure exige habituellement d’empiéter sur les milieux naturels. Pour minimiser ces impacts, les projets de développement ont toujours été effectués en portant une attention particulière à la protection de ces milieux naturels. Pour améliorer cette approche, Parcs Québec a créé en 2011 un outil nommé Guide de caractérisation des sites d’implantation. Cet outil fait en sorte que tout projet d’implantation d’infrastructures doit se doter d’une étude structurée de caractérisation écologique avant la mise en place de l’infrastructure. Ainsi, l'équilibre entre les besoins qu'un aménagement doit combler et les conséquences écologiques de son implantation est évalué afin de statuer sur l'acceptabilité, ou non, du projet. Ceci assure que les développements dans les parcs nationaux du Québec ont un impact minimal sur l’environnement.
Un exemple en hauteur : la via ferrata du parc national des Grands-Jardins
Les falaises représentent des milieux naturels fascinants, mais elles sont accessibles seulement à quelques adeptes d'escalade. Dans la perspective de faire découvrir et de rendre accessibles ces milieux à un plus grand nombre de visiteurs, le parc national des Grands-Jardins a aménagé au cours de la saison 2012 un circuit de via ferrata sur la paroi rocheuse du sommet ouest du prestigieux Mont du Lac des Cygnes. Il s'agit d'un parcours aménagé avec des équipements (poutres, passerelles, échelles, etc.) destinés à permettre la découverte des milieux spectaculaires mais difficilement accessibles que sont les parois, et ce, en toute sécurité. À l’été 2013, il sera alors possible de découvrir de nouveaux points de vue sur les montagnes de Charlevoix et sur les caractéristiques exceptionnelles du parc.
Construction de la via ferrata du parc national des Grands-Jardins
Avant la mise en place de la via ferrata, une caractérisation du site de développement a été effectuée afin d’identifier les impacts écologiques que pourrait amener cette implantation. La caractérisation avait aussi comme objectif de proposer des mesures d’atténuation pour diminuer ces impacts. L’étude a permis de découvrir que la paroi rocheuse et le sommet ouest du Mont du Lac des Cygnes représentent des habitats potentiels pour certaines espèces. Par exemple, on y retrouve un écosystème forestier exceptionnel nommé pessière à airelle des marécages (Vaccinium uliginosum) et à thé du Labrador (Rhododendron groenlandicum). Cet écosystème contient plusieurs plantes arctiques-alpines qui sont sensibles à la perte ou à la dégradation de leur habitat. De plus, le faucon pèlerin (Falco peregrinus), qui est une espèce désignée vulnérable au Québec, est présent au parc et niche dans ce type de paroi. Autre préoccupation, le campagnol des rochers (Microtus chrotorrhinus) est un petit mammifère très rare au Québec dont un de ses habitats préférentiels est le pied des parois rocheuses. Il possède également un statut particulier.
Pour minimiser les impacts écologiques, une identification des sites à haut potentiel pour ces espèces floristiques et fauniques a tout d’abord été effectuée afin d’éviter que le parcours de la via ferrata empiète sur leur habitat. Par la suite, des aires de protection ont été délimitées dans le but de protéger la flore arctique-alpine fragile de l’écosystème forestier exceptionnel qui se trouve à proximité du parcours. Une protection particulière a été apportée à la diapensie de Laponie (Diapensia lapponica), puisque très peu de colonies ont été recensées dans le parc jusqu’à présent. Si des travailleurs avaient à traverser des îlots de plantes arctiques-alpines lors de la construction de la via ferrata, ils devaient utiliser des sentiers temporaires d’une largeur maximale de 1 mètre afin de minimiser l’étendue du piétinement.
Inventaire floristique au sommet de la falaise du Mont du Lac des Cygnes
Des observations ont également été effectuées pour déterminer des endroits potentiels de nidification des faucons pèlerins sur la falaise. Aucun site actif n’a été identifié. Les données d’un inventaire plus général sur les rapaces diurnes qui est effectué depuis 2009 dans le parc ont aussi été utilisées. Aucun nid n’a été détecté en 2012 dans la zone de construction de la via ferrata. L’inventaire se poursuivra dans les prochaines années.
Même si sa présence n’a pas été confirmée, les habitats potentiels du campagnol des rochers ont aussi été délimités pour s’assurer de minimiser leur dégradation et leur dérangement. Le choix de l’emplacement du sentier d’accès à la via ferrata a donc été réalisé afin d’éviter qu’il se trouve dans l’habitat du campagnol des rochers. Lors des travaux de purge, c’est-à-dire lors de l’élimination des blocs instables de la paroi pour assurer la sécurité des visiteurs, des débris de roches pouvaient tomber sur l’habitat du campagnol. Cependant, ces travaux finiront par créer un impact positif : l’accumulation de roches au pied de la falaise causée par la purge deviendra un habitat hautement recherché par le campagnol, une fois que la végétation aura colonisé ces pierres.
Une nouvelle approche en harmonie avec la conservation
La mise en place d’une méthode structurée de caractérisation des sites d’implantation cadre naturellement avec la mission de conservation des parcs nationaux du Québec. Les projets de développement sont réalisés de concert avec les équipes de conservation des parcs qui s’assurent, durant les étapes de conception et de construction, que les générations futures pourront profiter du patrimoine naturel et culturel que nous offrent ces aires protégées uniques.
Janick Gingras, conseillère en conservation à la vice-présidence Parcs Québec, gingras.janick@sepaq.com.
Sandra Garneau, responsable du service de la conservation et de l'éducation au parc national des Grands-Jardins, garneau.sandra@sepaq.com.
Photos : Prisme Équipements Canada (Christian Ouellette, André Piché et Yannick Berger-Sabattel), Audrey Jobin-Piché et Janick Gingras.