Blogue de conservation

Un coup de pouce à la nature : restaurer les anciens chemins forestiers

4 mars 2014


Depuis sa création en 1937 jusqu’en 1977, le parc national de la Gaspésie a fait l’objet de travaux d’exploration et d’exploitation de ses ressources naturelles. La plupart des chemins construits à l’époque ont été laissés à l’abandon. Ils sont encore aujourd’hui bien présents sur le territoire et ont des impacts importants sur l’intégrité écologique du parc. En collaboration avec le Consortium en foresterie de la Gaspésie et la Conférence régionale des élus de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, le parc national de la Gaspésie entreprend des travaux pour favoriser la fermeture de ces perturbations anthropiques dans le paysage.

Un constat … étonnant !

À la suite de travaux réalisés à l’automne 2012, près de 45 km de chemins non utilisés ont été marchés afin de faire une première caractérisation. Moins de 10 km de ces chemins se sont refermés naturellement. Même après avoir été abandonnés depuis plus de 35 ans, la forte majorité de ces chemins sont demeurés presque intacts. Plusieurs facteurs interagissent afin de limiter la colonisation de la végétation : compaction, nature du sol, exposition solaire et éolienne, pente, drainage, durée d’enneigement, végétation environnante, utilisation par la faune. Ce projet vise donc principalement à restaurer le plus efficacement possible l’habitat favorable au caribou de la Gaspésie, à l’intérieur des limites du parc national de la Gaspésie. Mais une synergie étonnante est possible.

La fragmentation du territoire public par les chemins forestiers en Gaspésie

L’accessibilité au territoire du domaine de l’État est un enjeu majeur pour l’essor économique du territoire. Outre l’exploitation forestière, les chemins forestiers permettent un accès aux autres ressources à la base de plusieurs activités tels que la chasse, la pêche sportive, le piégeage, la cueillette de produits forestiers non ligneux, la villégiature, le récréotourisme, etc. Par conséquent, ces voies d’accès ont une influence non négligeable sur tout le volet socio-économique.

Le déploiement important des chemins forestiers soulève également des enjeux écologiques qu’il est nécessaire de considérer. Par exemple, une surabondance de chemins forestiers est susceptible d’augmenter la sédimentation dans les cours d’eau, cause la perte et la fragmentation à différentes échelles d’habitats fauniques, facilite le braconnage, réduit la superficie forestière productive.

Légende : Réserve faunique des Chic-Chocs

Un partenariat bénéfique pour tous

La problématique de la fragmentation de l’habitat du parc national de la Gaspésie est intimement liée à celle du territoire gaspésien. Dans le but de restaurer l’habitat du caribou de la Gaspésie, le projet de fermeture de chemins initié par le parc national de la Gaspésie s’inscrit également dans une problématique régionale importante. Elle a d’ailleurs été clairement identifiée dans le Plan régional de développement intégré des ressources et du territoire (PRDIRT) de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine. Il rejoint plus spécifiquement les éléments suivants afin de mieux outiller les intervenants forestiers et les gestionnaires du territoire :

Axe transversal :
Faciliter l’accès au territoire public gaspésien à partir d’un réseau de chemins multiusages;

Objectif régional :
Établir les modalités de gestion et d’entretien du réseau de chemins multiusages;

Action :
Réaliser un rapport d’analyse présentant une position régionale concertée et s’en inspirer pour la mise en œuvre des objectifs identifiés.

Axe de développement faunique :
Assurer la viabilité des populations animales (incluant leurs habitats) associées aux activités fauniques avec ou sans prélèvement pratiquées en Gaspésie;

Objectif régional :
Maintenir et éventuellement augmenter la population du caribou de la Gaspésie;

Action :
Soutenir le Plan de rétablissement du caribou de la Gaspésie, en particulier ses mesures relatives à la prédation.

Étape par étape

Suite à de nombreuses discussions avec différents intervenants œuvrant dans ce domaine, peu de choses ont été faites dans ce domaine jusqu’à maintenant. Il devenait donc incontournable que la première étape, actuellement en cours, soit une revue de littérature afin de lancer le projet sur des bases solides. Cette recherche présentera et comparera des modalités d’intervention potentielles et applicables pour le territoire gaspésien. Ainsi, les procédures et exigences des différentes méthodes répertoriées seront décrites. Puis, les coûts approximatifs des principaux scénarios d’intervention seront évalués dont notamment une simulation d’intervention de fermeture de chemin pour le parc national de la Gaspésie.

La seconde phase résultera à la production d’un plan d’intervention pour le territoire du parc national de la Gaspésie. Considérant la quantité importante de chemins à considérer dans le parc, le plan d’intervention identifiera les secteurs d’intervention et les tronçons de chemin qui seront visés par ces travaux d’expérimentation. Des modalités particulières pourront être élaborées afin de répondre plus spécifiquement aux besoins du caribou de la Gaspésie. Le plan d’intervention sera aussi accompagné d’un protocole de suivi afin d’évaluer le plus précisément possible le succès des différentes modalités qui seront appliquées. Suite à la prise en compte des réalités concrètes du terrain et des objectifs de restauration de l’habitat du caribou de la Gaspésie à l’intérieur des limites d’un parc national, une évaluation précise des coûts de réalisation sera effectuée.

Finalement, la phase III consistera à financer et réaliser le plan d’intervention élaboré pour le parc national de la Gaspésie. Cette dernière étape prévoira aussi un suivi des interventions réalisées afin de documenter et d’identifier les modalités les plus appropriées à la réalité régionale. Évidemment, un rapport sera rédigé afin de faire état des points forts et des points faibles des différents scénarios d’intervention et de leur succès.

Au bénéfice de toute la collectivité

Le transfert des connaissances acquises lors de ces expérimentations aux différents utilisateurs et gestionnaires du territoire gaspésien pourra peut-être contribuer à rejoindre les objectifs identifiés par les acteurs régionaux lors de l’élaboration du PRDIRT. Mais chose certaine, ce projet ambitieux et novateur servira certainement à effacer une partie de ces empreintes humaines qui ont des conséquences sur l’intégrité écologique du parc national de la Gaspésie en favorisant la régénération de grand massif forestier.


Claude Isabel est responsable du service de la conservation et de l’éducation au parc national de la Gaspésie. isabel.claude@sepaq.com

Photos : Claude Isabel et Lionelle Maryns. 


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