Blogue de conservation

Suivi de la population de cerfs de Virginie et de son impact sur la flore

28 février 2012


Près de 120 cerfs de Virginie fréquentent le parc national des Îles-de-Boucherville. Cette haute densité de cerfs a un impact sur la flore du parc et sur la régénération naturelle des peuplements d’arbres et d’arbustes. Toutefois, plusieurs méthodes et suivis sont présentement en cours afin de préserver l’équilibre entre la population de cerfs et la flore du parc.

Le parc national des Îles-de-Boucherville est situé au cœur du fleuve Saint-Laurent dans l’archipel de Boucherville. Cet archipel est constitué d’une douzaine d’îles, dont cinq font partie du parc. Malgré sa petite superficie (8,14 km2) et sa proximité à la ville de Montréal et sa banlieue, le parc national des Îles-de-Boucherville renferme une faune et une flore exceptionnelles. Cette richesse est due en partie au fait que l’on retrouve différents écosystèmes : les milieux ouverts (champs), les zones boisées (on compte cinq boisés au parc) et les milieux humides (marais et chenal).

L’arrivée du cerf de Virginie au parc

Lors de la création du parc en 1984, le cerf de Virginie était pratiquement absent du territoire, puisqu’un seul individu avait été observé. Toutefois, durant l’hiver 1988-89 plusieurs cerfs auraient traversé le fleuve Saint-Laurent en utilisant le pont de glace reliant l’archipel des îles à la ville de Boucherville pour atteindre le parc. Lors de leur arrivée au parc, les cerfs de Virginie ont rencontré des conditions très favorables à leur survie, soit de la nourriture en abondance, des lieux de repos adéquats et très peu de prédateurs, car la chasse y est interdite à l’intérieur des limites du parc. Le principal prédateur du cerf sur les îles est le coyote. Celui-ci est arrivé au parc à l’hiver 2004-2005. Depuis, il vit davantage sur les îles de la Commune et Grosbois. Toutefois, même s’il est considéré comme un prédateur significatif du cerf de Virginie, il est reconnu que le coyote ne peut, à lui seul, régulariser une population importante de cerfs de Virginie.

Recensement du cerf de Virginie

Depuis 2006, le Service de la conservation et de l’éducation fait un recensement annuel de la population de cerfs de Virginie vivant au parc. Ce recensement a lieu au mois de février et s’effectue par voie aérienne. Dans le tableau ci-dessous, vous y trouverez le nombre de cerfs recensés par année.

Année 2006 2007 2008 2009 2010 2011
Nombre de cerfs 193 203 127 86 117 119

Malgré le fait que près de 350 000 personnes fréquentent annuellement le parc, le cerf de Virginie a très bien su s’adapter à la présence humaine. Les visiteurs peuvent facilement observer les cerfs de Virginie, et ce, peu importe le moment de la journée.

Impact sur la flore

Le cerf de Virginie est un herbivore assez opportuniste! En été, il se nourrit de feuilles et ramilles de plantes herbacées, d’arbustes et d’arbres, ainsi que de fruits et de champignons. En hiver, il broute bourgeons et ramilles de thuya, vinaigrier, cornouiller, sorbier, cerisier, peuplier, saule, chèvrefeuille, tilleul et pin. Au parc national des Îles-de-Boucherville, il affectionne également deux autres plantes qui ont un statut précaire, soit la claytonie de Virginie et la sanguinaire du Canada. La forte densité de cerfs peut avoir un impact négatif sur la flore présente au parc. En effet, le broutage intensif et le piétinement effectués par les cerfs peuvent avoir comme conséquence de limiter, voire bloquer, la succession végétale. Le cerf en broutant les semis et les jeunes arbres empêche ces derniers de croître et d’atteindre leur maturité, et ainsi, permettre à une forêt de se régénérer naturellement. De plus, le piétinement effectué par les cerfs a pour effet de compacter le sol et ainsi compromettre la croissance des espèces floristiques.

Méthode utilisée afin de préserver la flore du parc

Afin de préserver la flore du parc et la population de cerfs, les gestionnaires du parc national des Îles-de-Boucherville ont opté pour des mesures qui protègent les semis et les jeunes arbres, les plantes herbacées et arbustes. Deux méthodes ont été mises en place au courant des dernières années :

Les manchons

Près de 900 manchons ont été installés, c'est-à-dire un grillage autour des arbres, afin de permettre la croissance de ces derniers sans qu’il n’y ait de broutage par les cerfs. Cette technique, quoique efficace, demande énormément de temps annuellement afin d’assurer son  efficacité. Ces manchons ont été installés lors de la plantation d’arbres il y a quelques années et seront retirés lorsque les arbres auront atteint environ deux mètres de hauteur.

Les exclos

Depuis 2006, trois exclos ont été installés au parc. Ces exclos protègent, via une clôture métallique, une parcelle de terrain. Le cerf n’a donc pas accès à la végétation qui se retrouve à l’intérieur. Ceci permet un suivi afin de mesurer l’impact réel du broutage par les cerfs sur les espèces ligneuses et sur les espèces herbacées. Un des exclos a été érigé dans le boisé Grosbois où l’on retrouve la claytonie de Virginie (Claytonia virginica), afin de connaître les conséquences de la présence du cerf sur cette espèce vasculaire à statut précaire. Nous comparons présentement l’abondance moyenne des individus de claytonie entre les placettes situées à l’intérieur et à l’extérieur des exclos. Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions de notre suivi, mais nous constatons que les populations de claytonie à l’intérieur de l’exclos se maintiennent.

Des exclos pour l’avenir!

Le recensement bisannuel de la population de cerfs de Virginie combiné à l’installation de six exclos supplémentaires sur l’île de la Commune, et éventuellement sur d’autres îles, nous permettront de faire un suivi adéquat de la population de cerfs et de leur impacts sur la flore, de protéger la claytonie de Virginie et de permettre la création d’îlots de forêt.


Nathalie Rivard, responsable du service de la conservation et de l’éducation aux parcs nationaux des Îles-de-Boucherville et du Mont-Saint-Bruno, rivard.nathalie@sepaq.com.

Photos : Claude Lafond, Sépaq.


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