Blogue de conservation

De belles années pour les saumons de la rivière Vauréal

18 mars 2014


Autrefois présentes en très grand nombre dans presque toutes les rivières de l’île d’Anticosti, les populations de saumon de l’île n’ont pas échappé au déclin général de cette espèce en Amérique du Nord au cours des dernières décennies. Différentes mesures ont été mises sur pied par les divers ministères afin de contrer cette baisse comme la fermeture de la pêche au saumon sur une grande majorité des rivières de l’île. Afin de suivre l’évolution de cette espèce et de son habitat, un décompte en plongée de la population de saumon est effectué sur plusieurs rivières, dont la rivière Vauréal. Les données tirées de cet inventaire semblent indiquer que la population de saumon de cette rivière se porte bien!

La population de saumons de la rivière Vauréal

L’île d’Anticosti avec ses rivières aux eaux limpides et cristallines est un endroit propice pour la reproduction du saumon atlantique (Salmo salar). L’une des dernières mesures prises par le ministère en 2002 pour assurer la survie de cette espèce sur l’île d’Anticosti a été de fermer la pêche sportive au saumon dans plusieurs rivières, dont la rivière Vauréal. Cette dernière avec son bassin versant de plus de 189 km² est la plus importante rivière du parc. S’écoulant vers le littoral nord de l’île sur une longueur de plus de 40 km, elle prend sa source dans les lacs et tourbières du plateau central. Bien que toute la rivière représente un habitat favorable au saumon, ce dernier n’a accès qu’aux premiers 11 km du cours d’eau. Avec ses 76 mètres de haut, la chute Vauréal représente un obstacle infranchissable pour le saumon.

La montaison des saumons adultes dans la rivière Vauréal débute à la fin juin pour se terminer vers la mi-septembre. Les saumons séjournent tout l’été dans les différentes fosses de la rivière. Vers la mi-octobre, ils vont se disperser et rechercher des endroits propices pour la reproduction. Après s’être reproduits, les saumons retourneront à la mer. Les œufs vont éclore au printemps suivant et les différents stades de vie du saumon juvénile (alvin, tacon) se dérouleront en rivière. Les jeunes tacons passeront de 3 à 5 ans dans la rivière avant d’entreprendre une migration vers la mer. Cette migration de jeune tacon se déroule en juin; il se transformera alors en saumoneau et quittera la rivière pour aller s’engraisser dans l’Atlantique Nord. Après avoir passé un hiver en mer, une partie des saumons reviendra dans sa rivière natale pour y frayer; on les nomme alors des madeleineaux (ils mesurent moins de 63 cm). L’autre partie reviendra après plus d’un hiver en mer. On les appelle alors « rédibermarins » ou « grands saumons » (ils mesurent plus de 63 cm).

Le décompte en plongée, une technique efficace

Les inventaires de saumon des rivières de l’île d’Anticosti ont débuté au milieu des années 1980. Ces suivis étaient effectués par les techniciens du Ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Encore aujourd’hui, les décomptes de saumon sont effectués dans les rivières où la pêche sportive est pratiquée. Pour la rivière Vauréal, le décompte de saumons est effectué par les employés du parc. Le suivi de cette population fait partie des indicateurs suivis par le parc national d’Anticosti dans le cadre du Programme de suivi de l’intégrité écologique.

La méthode d’inventaire utilisée pour dénombrer les saumons adultes dans la rivière est un décompte en plongée subaquatique. Cette technique s’avère très efficace dans les rivières de l’île étant donné la bonne visibilité et le débit très faible des rivières. L’inventaire a lieu entre la mi-septembre et la première semaine d’octobre, période optimale pour le décompte.

Pour effectuer le décompte, les membres de l’équipe parcourent le tronçon de rivière qui est accessible au saumon. Munie de lunettes polarisées et d’un équipement de plongée, l’équipe scrute chaque endroit susceptible d’avoir du saumon (fosses, rapides, etc.). Lorsqu’il y a des saumons observés à partir du rivage ou qu’il est impossible de voir s’il y a des saumons dans une fosse, une plongée est effectuée. Les plongeurs s’installent en amont de la fosse de part et d’autre de la rivière et se laissent dériver en parallèle afin de couvrir la zone à inventorier. Lors de cette première plongée, il y a un dénombrement total des saumons présents dans le site. Une deuxième plongée sera réalisée par la suite pour répartir les saumons selon leur taille. Les saumons sont divisés en deux groupes soit les madeleineaux et les rédibermarins. Lors de ces plongées, on note aussi la présence des autres espèces qui fréquentent la rivière comme l’omble de fontaine anadrome, la truite arc-en-ciel et l’anguille d’Amérique.

Des résultats encourageants pour la population de saumon de la Vauréal

C’est en 1985 que le premier inventaire de saumon sur la rivière Vauréal a été réalisé par les techniciens du Ministère du Loisir de la Chasse et de la Pêche. Ils ont poursuivi ces inventaires jusqu’en 2001, année de la création du parc national d’Anticosti. Entre 2002 et 2005, aucun inventaire n’a été réalisé sur la rivière Vauréal. En 2006, l’équipe du parc, dans le cadre du Programme de suivi de l’intégrité écologique, a recommencé à faire les inventaires sur cette rivière.

Figure 1 : Résultats des décomptes de saumon sur la rivière Vauréal

L’histogramme ci-dessus nous indique qu’à partir de l’apogée atteint en 1993 (167 saumons recensés), l’on peut observer une tendance à la baisse jusqu’au début des années 2000. Cependant, depuis 2006, si l’on exclut l’année 2009, on observe une tendance à la hausse du nombre de saumon dans la rivière. Notons qu’en 2010, aucun inventaire n’a été réalisé dû aux mauvaises conditions météorologiques.

Depuis 2011, une centaine de saumons remontent la rivière pour se reproduire. En 2013, nous avons compté 113 saumons dont 79 étaient des rédibermarins, ce qui est une très bonne nouvelle pour la population de saumon, car les grands saumons femelles sont beaucoup plus productifs que les femelles madeleineaux qui elles représentent seulement 5 % du nombre total de ce groupe. En effet, 95 % des madeleineaux sont des mâles.

Chaque rivière à saumon a un seuil de conservation, c'est-à-dire un nombre d’oeufs requis pour assurer une exploitation de cette ressource. Même s’il n’y a plus de pêche dans la rivière Vauréal, elle possède un seuil de 140 000 œufs. Pour atteindre ce nombre d’œufs, il faut qu’il y ait environ 65 saumons adultes qui viennent s’y reproduire. Depuis 2006, ce seuil a été atteint à 5 reprises.

Quel avenir pour le saumon de la rivière Vauréal?

Malgré des signes très encourageants, la petite population de saumon de la rivière Vauréal demeure très vulnérable à tout changement de son habitat tant en rivière que dans la partie marine. Il est donc primordial de continuer d’observer méticuleusement cette population afin de suivre son évolution dans les années à venir. Espérons que la tendance à la hausse observée soit garante de l’avenir!


Eric Savard est responsable du service de la conservation et de l’éducation au parc national d'Anticosti savard.eric@sepaq.com

Photos: France Plamondon et Eric Savard


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