Une incursion privilégiée dans l’univers du tétras du Canada
24 avril 2012
Dans la plaine du lac Saint-Jean, l’étendue des forêts résineuses propices au tétras du Canada (Falcipennis canadensis) s’est réduite à la suite du développement urbain et agricole. Conséquemment, cet oiseau s’observerait moins fréquemment. Au parc national de la Pointe-Taillon, un suivi télémétrique est en cours afin d'étudier l’état de sa population et l’utilisation qu’il fait du territoire protégé et de sa périphérie.
Le tétras du Canada
Ce bel oiseau ne fait heureusement pas partie des espèces menacées et n'a donc pas de statut particulier au Québec. Reconnu pour rechercher les forêts de résineux denses et les tourbières, il consomme des aiguilles de conifères, des arthropodes et de petits fruits. Le tétras du Canada affiche un comportement particulier. Peu méfiant envers l’humain, ou très confiant dans son mimétisme, il se laisse approcher facilement.
Le parc national de la Pointe-Taillon
Le parc national de la Pointe-Taillon se compose de vastes étendues tourbeuses au travers desquelles se dressent des pinèdes grises et des pessières sur des levées naturelles de sable bien drainées. Ces peuplements abritent une population de tétras du Canada. Jamais étudiées, l’ampleur de cette communauté et sa distribution sur le territoire sont peu connues. Devant la diminution des habitats propices au tétras du Canada dans les basses terres du lac Saint-Jean, l’étude de la population qu’abrite le parc devient particulièrement pertinente. En effet, elle contribuera à documenter l’utilisation que ces oiseaux font des terres transformées par l’humain situées en périphérie de cet espace protégé.
Une étude exploratoire
Débutée au printemps 2010, l’étude du tétras du Canada au parc constitue une collaboration entre le ministère des Ressources naturelles et de la faune et le Service de la conservation et de l’éducation du parc national. Ces travaux sont modestes et exploratoires mais permettront de jeter les bases d'une éventuelle recherche, plus élaborée, sur l’état des populations de tétras du Canada dans la plaine du lac Saint-Jean. Les objectifs de l’étude en cours sont de déterminer :
- la distribution du tétras,
- l’abondance de la population,
- le taux de mortalité des adultes,
- la productivité de la population,
- l’habitat du tétras,
- les caractéristiques génétiques de la population.
Pour les besoins de la recherche, des captures de tétras ont été faites, et se poursuivent encore, afin de munir des oiseaux adultes d’un émetteur et de bagues. À l’aide d’une canne télescopique, les tétras sont capturés et un collet leur est passé autour du cou. Les bagues sont fixées aux pattes indépendamment du sexe de l’oiseau. Les émetteurs, quant à eux, sont installés au cou des femelles. Ce choix a été fait afin d'étudier le taux de reproduction annuel. La collecte de plumes sur les oiseaux capturés permettra de déterminer, en observant la variabilité génétique de la population, si nous avons affaire à une population isolée.
Le suivi télémétrique
Un récepteur muni d’une antenne permet de percevoir les signaux sonores de chaque émetteur selon leur fréquence respective. Il s’agit ensuite de se déplacer en direction d’un signal pour parvenir jusqu’à l’oiseau. L’emplacement du tétras est alors géoréférencé et des données sont prises afin de caractériser la végétation du site (composition et densité forestière, couverture au sol). Chaque tétras faisant partie du suivi télémétrique est visité en toute saison, aussi fréquemment que possible. À ce jour, 20 femelles ont été munies d’un émetteur dans le cadre de cette étude. Les informations recueillies feront l’objet d’analyses à la fin du projet. Mais déjà diverses observations peuvent être énumérées ici.
Les oiseaux semblent fréquenter davantage la partie est du territoire protégé, où l’on trouve des peuplements plus vastes de pins et d’épinettes. Dans le parc, les oiseaux étudiés ne font généralement pas de longs déplacements, occupant sensiblement toujours le même secteur de forêt. C'est là que se situe l'aire de nidification. Fait intéressant, deux femelles ont quitté le parc à la fin de l’automne 2010. Elles se sont postées dans des boisés situés en périphérie du parc où elles ont passé l’hiver. L’une d’entre elles a choisi une pinède située en milieu de villégiature. La seconde s’est confinée dans un boisé situé en bordure d’une zone agricole. Au printemps suivant, toutes deux ont réintégré le secteur du parc qu’elles occupaient l’année précédente. Au cours de l’automne 2011, une autre femelle a quitté le parc pour s’établir dans un boisé situé en milieu agricole. Elle s’y trouve toujours actuellement.
Au mois de mars 2011, un rassemblement de femelles accompagnées d’un mâle a été observé sur le territoire du parc. Le mâle adoptait un comportement d’intimidation envers les intrus, c'est-à-dire les observateurs que nous étions en l’occurrence.
À suivre
Le suivi télémétrique du tétras du Canada est en cours au parc national de la Pointe-Taillon. Les résultats enrichiront nos connaissances sur cette population qu’abrite le parc. Ils apporteront éventuellement aussi des pistes indiquant si cette communauté tire réellement bénéfice d’espaces transformés par l’humain en périphérie du territoire protégé.
Dominique Crépin, responsable du service de la conservation et de l'éducation au parc national de la Pointe-Taillon, crepin.dominique@sepaq.com.
Photos : Jean Tanguay, Roxanne-Sarah Bernard, Jocelyn Claveau et parc national de la Pointe-Taillon.