Blogue de conservation

Ma montagne est plus haute que la tienne!

7 février 2012


Une collaboration entre les étudiants du programme arpentage et topographie du Centre de formation professionnelle de la commission scolaire de la Jonquière et le parc national des Monts-Valin a permis de mesurer avec un haut degré de précision l’altitude de certains sommets du massif du mont Valin.

Mesurer l'altitude

L’acquisition de connaissance et les inventaires réalisés dans les parcs ont généralement comme objet les aspects floristiques et fauniques. Les connaissances sur le milieu physique sont considérées comme mieux connues.  Comme nous le verrons, tout dépend de l’échelle que l’on considère! Par exemple, on peut facilement obtenir les altitudes des principaux sommets montagneux. Ces informations sont souvent mises de l’avant pour attirer les amateurs de randonnées et elles constituent une information importante pour ceux qui planifient une sortie en montagne. L’altitude déterminée à partir des cartes topographiques est la plupart du temps considéré comme étant LA vérité. Mais bon, on le sait, la précision d’une mesure dépend avant tout de la méthode et des outils utilisés. Voici un survol de quelques méthodes pour mesurer l’altitude d’une montagne.

La stéréorestitution

La photographie aérienne est un moyen efficace pour faire l’inventaire des ressources terrestres et pour cartographier le territoire. En utilisant des photographies aériennes qui se chevauchent suffisamment, il est possible de créer un modèle virtuel en trois dimensions. Un peu comme un film en 3D au cinéma! En regardant deux images légèrement différentes en même temps, on peut arriver à «visualiser» la profondeur d’une scène. Le stéréoscope permet de regarder deux photographies aériennes en même temps et d’obtenir des approximations du relief et de dessiner des cartes topographiques pour de grands territoires et, bien évidemment, d’estimer l’altitude d’une montagne.

Nivellement différentiel

Cette méthode permet d’obtenir des données plus précises que la stéréorestitution, mais elle ne s’applique qu’à petite échelle pour une montagne à la fois. Elle suppose que des arpenteurs se déplacent en partant de la base de la montagne jusqu’à son sommet. Tout au long du parcours, ils utilisent des instruments de visées qui permettent de déterminer la différence d’altitude entre deux points successifs par des lectures faites sur des règles. Il est ensuite possible de déterminer l’altitude du sommet d’une montagne à partir de la connaissance de l’altitude du point de départ.

Nivellement trigonométrique

Ce type d’arpentage utilise la trigonométrie pour calculer des dénivelées de différentes grandeurs à partir de la mesure d’angles verticaux (zénithaux) et de distances en pente. Les appareils de mesure utilisés s’appellent des stations totales. Plus la mesure d’angles et de distances est précise et plus les dénivelées calculées le seront. Aujourd’hui ces appareils donnent des précisions de l’ordre de la seconde pour les angles et du millimètre pour les distances. Il est cependant important de tenir compte de la pression barométrique et de la température lors des mesurages de distances puisque les ondes infrarouges utilisées sont altérées par ces 2 paramètres. L’équipe de travail aurait pu utiliser cette méthode pour mesurer les altitudes des sommets avec précision, cependant ils ne disposaient pas de l’intervisibilité entre chacun des sommets.

Par positionnement à l’aide de GPS

Les appareils GPS représentent le moyen le plus récent et le plus technologique pour déterminer l’altitude. Ces appareils communiquent avec une constellation de satellites qui tournent en permanence autour de la terre. En se basant sur les informations transmises par au moins quatre de ces satellites, l’appareil GPS peut déterminer sa position sur la terre par triangulation. Malgré l’augmentation de la précision de la localisation observée ces dernières années, l’altitude demeure la donnée la moins précise fournie par cette technologie. Il est toutefois possible d’améliorer la précision du positionnement et de l’altitude au centimètre près. Comment? En utilisant une position de référence connue, soit une borne géodésique ou une station fixe dont les coordonnées x et y et en altitude ont été mesurées avec précision par arpentage. On peut ainsi obtenir un facteur de correction et faire disparaître en grande partie les erreurs qui limitent autrement la précision de la localisation.

C’est cette méthode de corrections d’erreurs à partir d’un point d’une position connue qui a été utilisée dans le cadre d’un projet scolaire réalisé en collaboration avec les étudiants et l’enseignant du programme d’Arpentage et topographie du Centre de formation professionnelle de la commission scolaire de la Jonquière. L’objectif de ce projet était donc de mesurer le plus précisément possible les altitudes des principaux pics du parc national des Monts-Valin.

Carte 1 : Localisation des pics dont l’altitude a été mesurée

Malgré les conditions hivernales, différentes équipes de travail formé d’étudiants se sont déployées sur les sommets pour y installer des équipements de mesure de haute précision. Bien qu’elle ait été une expérience en soi, l’ascension des différents sommets n’a pas été l’étape la plus ardue, puisqu’une fois arrivée sur les différents sites de mesures, il fallait établir la communication entre les équipements et surtout localiser la borne géodésique de référence sous l’abondante neige qui fait la réputation du massif du mont Valin. L’équipe d’une vingtaine de personnes constituée d’étudiants, d’un enseignant et de gardes-parc a mis près d’une journée à récolter les données nécessaires à la mesure de l’altitude et plusieurs heures de traitement ont été nécessaires afin d’arriver aux résultats.

Tableau 1 : Altitudes déterminées à partir de la carte topographique et altitudes mesurées des différents pics étudiés

Pic Altitude de la carte topographique (m) Altitude mesurée (m)
de la Tête-de-Chien 570 576,925
du Grand Corbeau 820 823,990
de la Hutte 900 902,078
Lagacé 930 929,489
Dubuc 980 984,087

Comme le démontre le tableau 1, l’altitude mesurée des pics est généralement plus élevée que l’altitude déterminée à partir de la carte topographique dessinée après photorestitution. Le pic Dubuc conserve de plus son titre de plus haut sommet de la région habitée du Saguenay-Lac-Saint-Jean. On voit même qu’il gagne quelques mètres!

Il est à noter que les points d’observation des altitudes ont été pris sur des infrastructures tels galeries, plates-formes, ou observatoire. C’est ce qui peut expliquer les différences d’altitudes. Cependant, pour ce qui est du pic Dubuc, le point choisi correspond exactement au sommet de la montagne.

Bien sûr, tout ce travail ne rend pas les montagnes plus hautes, elles sont toujours les mêmes. Le projet a toutefois permis aux étudiants du programme d’Arpentage et topographie d’intégrer les connaissances acquises dans un projet concret et il bonifie aussi les connaissances sur le milieu physique du parc national des Monts-Valin.

Cette collaboration établit aussi un partenariat entre les deux institutions.  D’autres relevés ont été réalisés et les données recueillies devraient permettre de mieux évaluer la productivité des lacs et donc d’assurer un meilleur suivi des populations de poisson du parc.


Claude Pelletier, biologiste et responsable du service de la conservation et de l’éducation au parc national des Monts-Valin, pelletier.claude@sepaq.com.

Bertho Potvin, enseignant au programme Arpentage et topographie du centre de formation professionnelle de la commission scolaire de la Jonquière.

Photos : Bertho Potvin


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