Derrière les splendeurs du mont Albert

Un récit de Karina Durand

Je suis arrivée à Sainte-Anne-des-Monts vers 18 h, un dimanche gris de septembre. J’étais dans la région pour quelques jours, car je devais me rendre au parc national de la Gaspésie pour travailler sur un projet spécial : mettre en images les travaux qui se tiendraient au cours de la semaine dans le sentier menant au sommet du mont Albert. L’objectif de ce mandat? Démystifier la précieuse mission des parcs nationaux et mettre en lumière les importants défis qui en découlent pour les équipes sur le terrain.

Mikaël Rondeau | © Sépaq

Notre but : mettre en images les travaux au sommet du mont Albert

Une fois à Sainte-Anne-des-Monts, j’allais rejoindre mon collègue Charles, vidéaste, ainsi que Mikael et Laurence, un duo de photographes avec qui j’ai l’habitude de travailler. Nous passerions la semaine ensemble au parc national de la Gaspésie pour produire une série de contenus, dont un court-métrage documentaire sur l’entretien des sentiers de randonnée dans les parcs nationaux.

La semaine devant nous promettait d’être chargée, tout comme notre première journée sur le terrain. Nous devions d’abord repérer les lieux de tournage, puis nous souhaitions réaliser nos premières entrevues avec l’équipe du parc afin de mieux comprendre les enjeux qui seraient au cœur de notre film.

Mikaël Rondeau | © Sépaq
Mikaël Rondeau | © Sépaq

L’entretien des sentiers de randonnée : un défi majeur

Mardi matin, Charles, Mikael, Laurence et moi étions debout aux premières lueurs du jour. Nous avions rendez-vous avec Pascal, le directeur du parc national de la Gaspésie, et Claude, le responsable de la conservation et de l’éducation du parc.  

Les prochains jours étaient importants pour l’équipe de Pascal et de Claude : il fallait monter d’immenses poutres de bois au sommet du mont Albert. Celles-ci serviraient à la construction d’une passerelle pour améliorer la surface de marche et mieux définir le sentier qui traverse le grand plateau menant au versant sud de la montagne. Les matériaux et le personnel seraient transportés jusqu’au chantier en hélicoptère, nolisé pour l’occasion.  

Les travaux avaient nécessité une logistique rigoureuse et la résolution de mille et un casse-têtes. Claude avait mis beaucoup d’efforts pour que le chantier prenne forme avant la fin de l’été 2021, car le besoin était criant et les travaux ne pouvaient plus attendre.    

Pascal Lévesque – Directeur du parc national de la Gaspésie Mikaël Rondeau | © Sépaq
Claude Isabel - Responsable de la conservation et de l'éducation du parc national de la Gaspésie Mikaël Rondeau | © Sépaq

« Le Mont-Albert fascine les randonneurs de partout au Québec, et même d’ailleurs dans le monde, m’a-t-il expliqué, et ce sentier gagne en popularité chaque année. Le temps est venu de mieux le baliser, surtout au sommet, afin que les gens venus admirer la splendeur de cette montagne restent dans le sentier. »

Après tout, la mission d’un parc national est de rendre le territoire accessible tout en le protégeant. « Ce qu’on veut, a-t-il poursuivi, c’est que les gens puissent venir contempler de leurs yeux la beauté de nos forêts, qu’ils puissent profiter des bienfaits de nos grands espaces, mais que l’impact de la présence humaine ne mette pas en péril la conservation de la nature. » Pour Claude, il est essentiel de travailler pour que dans 100 ou 200 ans, la nature soit aussi belle qu’elle l’est aujourd’hui : « On veut que les enfants de nos enfants puissent venir marcher ici, sur le sentier menant au sommet du mont Albert. »

« Les gens en ont peu conscience, mais les sentiers d’un parc national doivent être soigneusement entretenus au fil des ans pour assurer la protection du territoire », a-t-il ajouté. Le responsable de la conservation et de l’éducation nous a décrit les défis importants de l’entretien, notamment pour le transport des travailleurs sur les chantiers, qui sont parfois situés en des lieux reculés et difficiles d’accès, par exemple, au sommet d’une montagne. « Et il faut trouver un moyen d’amener les matériaux sur place, des matériaux souvent très lourds, qui ne peuvent pas se porter à bout de bras. L’entretien des sentiers, ce n’est pas un détail insignifiant. C’est crucial! » a-t-il affirmé en me lançant un grand sourire.

Les matériaux qui serviraient à accomplir les travaux au sommet du mont Albert, à 1 000 mètres d’altitude, étaient ainsi réunis au sol devant nous, au camp de base, non loin du centre de découverte et de services du parc. L’hélicoptère était prêt à décoller, mais les conditions météo étaient incertaines. C’était gris, venteux et brumeux. Nous ne savions pas si l’appareil, nolisé pour quelques jours seulement, pourrait s’envoler et livrer les matériaux à bon port, un événement déterminant pour la réussite du projet.

Mikaël Rondeau | © Sépaq
Mikaël Rondeau | © Sépaq
Mikaël Rondeau | © Sépaq
Mikaël Rondeau | © Sépaq

Malgré l’incertitude quant au décollage de l’hélico, Charles, Mikael, Laurence et moi voulions capter les premières images du chantier et observer l’évolution des travaux, qui avaient commencé plus tôt dans la journée. Nous avons alors chaussé nos bottes de randonnée et nous sommes partis, tous les quatre, vers le sommet du mont Albert.

Le jour J : l’arrivée des matériaux au sommet

La pluie, les rafales et le brouillard s’étant mêlés de la partie les jours suivants, il aura fallu s’armer d’espoir et de pensées positives pour se rendre au jour J avec le sourire. Finalement, ce n’est ni le lendemain ni le surlendemain que l’hélico a pu déposer sa précieuse cargaison sur le chantier, mais in extremis, le vendredi.

Toute la semaine, mes collègues et moi n’avions cependant pas chômé. Nous avions monté le mont Albert mardi, puis le mont Ernest-Laforce mercredi et le mont Olivine jeudi afin de capter des images du sommet du mont Albert à partir d’autres points de vue. Mais les conditions météo difficiles, incluant un froid glacial et une visibilité presque nulle, nous avaient compliqué la tâche à nous aussi.

Heureusement, nous avions réussi à obtenir des images saisissantes à travers quelques percées de soleil ici et là. Il nous faudrait toutefois retourner au sommet pour observer l’avancement des travaux et, nous l’espérions, pour immortaliser l’arrivée des matériaux.

Mikaël Rondeau | © Sépaq
Mikaël Rondeau | © Sépaq
Mikaël Rondeau | © Sépaq
Mikaël Rondeau | © Sépaq

En fin de compte, notre petite équipe aura patienté jusqu’à 18 h le vendredi pour voir l’hélico atteindre le sommet de la montagne chargé des immenses poutres de bois. Lorsqu’ils ont vu apparaître l’hélicoptère à l’horizon, Pascal et Claude, qui étaient sur le chantier avec nous, semblaient ravis et, surtout, soulagés. Le transport des matériaux étant l’élément le plus complexe d’un tel projet, le reste des travaux allait pouvoir s’accomplir assez facilement dans les jours à venir.

Le cœur léger, nous sommes tous redescendus au camp de base.

Mikaël Rondeau | © Sépaq
Mikaël Rondeau | © Sépaq

L’unique mission des parcs nationaux

Je travaille à la Sépaq depuis quelques années, et nul n’est mieux sensibilisé que moi à l’importance du respect de la nature. Je n’ai plus besoin d’être convaincue, car j’y crois de tout cœur : les parcs nationaux sont des lieux d’une beauté inouïe et les explorer nous procure une foule de bienfaits. Nous sommes chanceux d’avoir accès à toute cette richesse, d’où la nécessité d’en prendre soin.

Ainsi, chaque fois que je mets les pieds en nature, j’applique rigoureusement les principes du sans trace : je rapporte mes déchets, même mes cœurs de pommes et mes pelures de bananes, je n’approche pas les animaux et je ne les nourris jamais, je ne ramasse rien dans la forêt et j’allume mes feux de camp uniquement là où c’est permis, quand c’est permis, avec le bois prévu à cet effet.

Mais je dois l’admettre, il m’est arrivé de temps en temps de sortir des sentiers pour admirer un point de vue, ou simplement pour marcher à côté de mes compagnons de randonnée. J’ai toujours eu l’impression que sortir du sentier « n’était pas si grave », surtout « si je faisais attention où je mettais les pieds ». Je n’avais jamais réalisé que ce petit geste pouvait avoir une portée réelle.

Claude l’exprime particulièrement bien : « Quand une personne sort du sentier, en effet, ce n’est pas grave. Mais lorsque des centaines le font, l’une après l’autre, année après année, la répétition constante de ce geste anodin engendre des conséquences. Le sentier s’élargit alors au détriment de la nature qui l’entoure. Au sommet du mont Albert, le sentier sillonne la toundra alpine, où plusieurs plantes très fragiles et rares se retrouvent piétinées. »

Avant ce tournage, je n’avais jamais réalisé que l’entretien des sentiers d’un parc national est loin d’être une mince affaire. Je n’avais jamais pris conscience non plus que les belvédères, les bancs, les tables à pique-nique et les bécosses qui nous sont si utiles en plein cœur de la forêt n’arrivent pas là par magie, bien au contraire.

Mikaël Rondeau | © Sépaq
Mikaël Rondeau | © Sépaq
Mikaël Rondeau | © Sépaq
Mikaël Rondeau | © Sépaq

Depuis cette expérience, chaque fois que je visite un parc national, je m’efforce de rester dans les sentiers. Je repense à Pascal, à Claude et à l’équipe du parc national de la Gaspésie, et je les revois prendre soin du mont Albert. Je me rappelle alors que derrière ces sentiers de randonnée qui nous permettent d’accéder à des points de vue extraordinaires, il y a des gens de cœur qui concrétisent une mission aussi importante que précieuse : protéger nos territoires.

Et que grâce à ces gens dévoués qui travaillent dans l’ombre, les splendeurs des parcs nationaux nous sont accessibles aujourd’hui, et qu’elles le seront demain, après-demain et, espérons-le, pour très longtemps encore.

Mikaël Rondeau | © Sépaq
Mikaël Rondeau | © Sépaq
Mikaël Rondeau | © Sépaq
Mikaël Rondeau | © Sépaq

La précieuse mission des parcs nationaux

Dans ce court métrage documentaire, découvrez par vous-même toute la beauté de notre nature et le précieux travail de nos équipes qui en assurent la protection. Un grand projet d’entretien et de passion, réalisé à 1 151 mètres d’altitude, par des gens de cœur.


Vidéo réalisée par Charles Boutin

Le Mont-Albert : une randonnée magnifique, mais difficile

Chaque année, des centaines de randonneurs et randonneuses se lancent le défi d’atteindre le sommet du mont Albert. Et avec raison. Le sentier du Mont-Albert a beau être l’un des plus difficiles au Québec avec sa montée soutenue de 850 mètres, son point culminant offre une vue grandiose qui récompense généreusement l’effort.

Le sommet du mont Albert est un immense plateau dénudé de 13 kilomètres carrés. On y aperçoit de la serpentine, un type de roche de couleur orangée qui ne se trouve qu’à de très rares endroits dans le monde. 

Or, aussi surprenant que cela puisse paraître, le plus beau à voir de cette randonnée n’est pas le sommet, mais le versant sud de la montagne. Ceux et celles qui se lancent dans le Tour-du-Mont-Albert, et qui choisissent de continuer tout droit une fois en haut, le constatent rapidement. Le chemin du retour, avec sa vue époustouflante sur la grande cuve et la tête de la vallée du Diable, offre la plus belle portion du sentier.

Les randonneurs sont nombreux donc, et quand on fait la randonnée pour la première fois, on comprend pourquoi. Le mont Albert est un lieu d’une richesse inestimable, et la mission du parc national de la Gaspésie est de nous permettre de l’explorer pour nous amener à l’aimer et, ultimement, à le protéger.

Le Mont-Albert est un sentier magnifique, mais difficile. Si vous planifiez faire cette randonnée, préparez-vous bien. Il vous faudra de bons souliers de marche, et idéalement des bottes de randonnée, un sac à dos avec un minimum de 2 litres d’eau, quelques collations pour vous donner de l’énergie durant la journée et des vêtements adaptés. On vous suggère ici les indispensables à apporter lorsque vous partez pour une journée en montagne.

Le sentier du Mont-Albert (versant nord) est accessible du 11 juin au 10 octobre 2022, tandis que le Tour-du-Mont-Albert (le grand tour) est accessible du 1er juillet au 10 octobre 2022.

Karina Durand

À propos de Karina Durand

À part marcher seule en forêt, Karina aime lancer sa ligne à l’eau, griller des saucisses à hot-dog sur les braises d’un feu de camp, lire au bout d’un quai et se baigner dans un lac quand il pleut. Elle pilote la stratégie de contenu de la Sépaq depuis 2017.

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