Observer les oiseaux au parc national de la Jacques-Cartier
En collaboration avec Éric Deschamps, photographe de nature sauvage
Au début du mois de juillet, j’ai eu la chance de visiter le magnifique parc national de la Jacques-Cartier dans le but d’observer la faune aviaire. Ce parc national abrite une multitude d’écosystèmes dans les deux zones de végétation qui dominent son territoire, soit la sapinière à bouleau jaune et la forêt boréale (sapinière à bouleau blanc).
À cette période de l’année, la majorité des nichées sont terminées ou sur le point de l’être. Les oisillons ont donc quitté le nid ou s’apprêtent à prendre leur première envolée. Les oiseaux sont aussi plus difficiles à observer en plein été à cause du feuillage dense, mais en parcourant les différents écosystèmes, j’ai pu voir et écouter une cinquantaine d’espèces d’oiseaux en quelques jours seulement. J’y suis arrivé avec l’aide précieuse de Marc-André Villard, biologiste à la Sépaq, qui possède plusieurs connaissances fascinantes en ce qui a trait aux divers écosystèmes. Il m’a aussi montré un de ses talents, qui m’a beaucoup impressionné et aidé dans ma quête au parc : celui de reconnaître les chants des différents oiseaux qui l’entourent. Autrement dit, il peut avoir les yeux bandés et identifier chacun des oiseaux grâce à son chant. Cette compétence extraordinaire nous a permis d’observer plus facilement les oiseaux présents lors de notre visite.
Sapinière à bouleau jaune
C’est le type de forêt qui domine le secteur de la Vallée dans le parc national. Elle est peuplée d’un mélange de bouleaux jaunes et de conifères comme le sapin baumier, l’épinette noire et le cèdre (thuya occidental). Lorsqu’on se promène en voiture sur les dix kilomètres menant au centre de découverte, on peut facilement voir ces grands bouleaux jaunes qui dominent la forêt. Plusieurs oiseaux forestiers y vivent, comme la paruline à gorge orangée, la grive solitaire, le pic maculé ou le moucherolle tchébec. Ces oiseaux se nourrissent principalement de larves et d’insectes adultes récoltés sur le feuillage, sur le sol ou à la surface du bois. Certains, comme la paruline flamboyante, ont même la capacité spectaculaire de se nourrir d’insectes en plein vol! À plusieurs reprises, j’ai pu voir des parulines, moucherolles et bruants se déplacer rapidement et athlétiquement de branche en branche pour y cueillir leur repas.
La rivière Jacques-Cartier, qui descend vers le fleuve Saint-Laurent, procure d’autres opportunités pour différentes espèces d’oiseaux forestiers, dont la paruline du Canada, la paruline à collier et le moucherolle à ventre jaune. Ces oiseaux abondent dans les aulnes et autres petits arbustes qui bordent la rivière, ainsi que dans les grands conifères. J’ai eu le privilège d’assister au nourrissage d’une jeune paruline à collier par l’un de ses parents. En voyant cette magnifique scène au travers du feuillage dense d’un aulne, Marc-André me disait que de voir un oiseau transportant de la nourriture dans son bec était un très bon indice de la présence de jeunes. Donc par exemple, si vous voyez une paruline couronnée avec de la nourriture dans le bec, il y a d’excellentes chances que celle-ci soit destinée à ses bébés qui ont faim. C’est quand on porte attention à ces petits détails qu’on réalise à quel point la vie sauvage nous entoure en permanence lorsqu’on est dehors en nature.
Puis, au-delà des oiseaux forestiers, la rivière et les nombreux milieux humides de la vallée attirent une faune sauvage très diversifiée. De nombreux oiseaux de proie, comme le pygargue à tête blanche, sont bien présents et en profitent pour nicher dans les différentes parois ou dans de grands arbres de la vallée.
Ces grands oiseaux, qui font souvent plus de deux mètres d’envergure, se nourrissent de poissons ou de plus petits oiseaux. Il y a aussi une grande quantité de castors qui y trouvent leur compte, avec les multiples possibilités de construction qu’offrent les nombreux îlots de la rivière Jacques-Cartier. Ces îlots de différentes tailles, situés plus ou moins loin de la berge, offrent un site de repos sécuritaire pour le grand harle, tandis que le harle huppé y niche parfois. Ces îlots sont également convoités par les kayakistes. Il faut donc faire preuve de vigilance en mai et en juin lorsqu’on est sur la rivière pour s’assurer de ne pas déranger les nids ou les nichées de ces magnifiques oiseaux. Il y a aussi le martin-pêcheur, facilement reconnaissable à l’oreille par son « Trill tirrrrr » répétitif. Cet oiseau creuse un terrier, qui peut parfois atteindre 30 cm de profondeur, dans les berges de la rivière pour y déposer ses œufs.
La forêt boréale
C’est dans le secteur Jumeau du parc national que j’ai retrouvé la magnifique forêt boréale. Une forêt qui m’est bien familière étant donné que je demeure non loin de la plus grande forêt boréale de l’est du Québec : celle de la Gaspésie, que l’on peut fréquenter dans la réserve faunique de Matane et le parc national de la Gaspésie. La forêt boréale du parc national de la Jacques-Cartier fait partie du domaine bioclimatique de la sapinière à bouleau blanc. On y retrouve une domination du sapin baumier et un mélange d’épinettes (noires et blanches), de bouleaux blancs, de mélèzes, de pins gris et de peupliers faux-trembles. Des oiseaux comme le pic à dos noir, le mésangeai du Canada et le junco ardoisé sont des spécialistes de la forêt boréale.
En forêt boréale, la quasi-entièreté des milieux humides contient de la sphaigne. Marc-André m’expliquait que la décomposition de cette plante acidifie le sol, ce qui rend difficile la croissance de plusieurs autres plantes et arbres. Ce phénomène est bien visible aux abords du Lac Barrette, où une tourbière à la flore dominée par la sphaigne occupe une grande superficie. Une tourbière, c’est un écosystème unique, fascinant et complexe. C’est une grande étendue de terres humides qui se caractérise par la formation d’épaisses couches de tourbe. La couche du haut est celle qui est visible et qui est composée de mousse et de différentes espèces de plantes tolérantes à l’acidité. En bordure d’une tourbière, Marc-André et moi avons observé un couple de pics à dos noir et deux familles de mésangeais du Canada. Certains oiseaux comme la paruline à couronne rousse et le bruant de Lincoln occupent de préférence les tourbières de la forêt boréale.
En résumé
Le parc national de la Jacques-Cartier est situé à l’interface de la sapinière à bouleau jaune et de la forêt boréale, ce qui augmente considérablement la diversité de la faune aviaire. Le secteur de la Vallée est assurément parmi les plus beaux de tout le réseau Sépaq, mais les autres secteurs (Épaule, Sautauriski et Jumeau) offrent la possibilité de voir des paysages et une faune aviaire spectaculaires qu’on ne s’attend pas à retrouver à seulement 30 minutes de la ville de Québec. La richesse aviaire du parc ne fait aucun doute. Comme partout en nature, il suffit de marcher silencieusement et de porter attention aux différents mouvements et sons pour prendre conscience de la grande diversité des écosystèmes qui nous entourent.
Plus d’une centaine d’espèces d’oiseaux fréquentent ce territoire protégé durant l’année, alors à votre prochaine visite au parc national de la Jacques-Cartier, apportez vos jumelles pour identifier les différentes espèces que vous observerez. Encore mieux : apprenez à reconnaître quelques chants. Ensuite, portez attention à l’environnement dans lequel vous avez observé ces oiseaux et continuez à apprendre des choses sur leurs comportements et habitats.
Bonne observation!
À propos d'Éric Deschamps
Après avoir entamé des études en actuariat à l’Université du Québec à Montréal, Éric Deschamps a pris une décision qui allait faire dévier sa trajectoire. Quitter les statistiques, dire au revoir à la métropole qu’il habitait depuis toujours et plier bagage. Son plan de match? Partir à l’aventure. Il s’installe alors à Cap-Chat en Gaspésie pour y apprendre la photographie comme autodidacte. Caméra en main, il sillonne les forêts du Québec à la recherche de moments inédits.
Éric a remporté, en septembre 2018, le Prix Focus dans la catégorie Relève du Musée National de la Photographie.
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